Rivière, de Lucien Suel : un texte-forêt nourricière



 En ouvrant Rivière, j'ai entamé un voyage littéraire inoubliable.
Aucun mot n'est de trop, chacun se fait racine, bois, feuille, branche d'un texte-forêt nourricière.

Je connaissais la réputation de Lucien Suel, poète jardinier vivant non loin de chez moi. Je n'avais cependant jamais parcouru ses pages.
Son dernier roman m'a cueillie sur un rayon de médiathèque, puis nous nous sommes rencontrés, voisins de dédicace. Enfin, j'ai ouvert les pages.
J'ai lu ce dernier livre paru avec la certitude de vouloir découvrir les autres œuvres de Lucien. 

Tout se fait un peu à rebours, comme on remonte le courant.


Rivière nous immerge dans le quotidien de Jean-Baptiste ayant perdu Claire, son grand amour. Dans cette vie simple où fleurissent les souvenirs des années hippies, ceux de l'insouciance sur fond de Bob Dylan, des idéaux qui poussaient à côté du monde, JB rafistole son chagrin en mettant les mains dans la terre, en empruntant des livres à la médiathèque, en tweetant, aussi. Il traverse les époques tandis que Claire fait des incursions dans le texte, fantôme pas encore résolu à partir pour de bon, poétesse de l'invisible qui chante l'amour qui a été et qui demeure au delà du corps.


Les lieux de l'histoire me sont pour beaucoup familiers, j'ai ressenti ce privilège, cette connivence qui naît d'une géographie commune.


J'ai adoré la plume incroyablement poétique de Lucien, pour ce talent qu'elle possède : ne jamais en faire trop, toujours provoquer l'image lumineuse dans une simplicité flirtant avec l'essentiel. Les mots coulent comme la rivière, ils clapotent et nous entraînent dans le flot sans qu'on ait envie de se débattre. La contemplation et le voyage suffisent.

Je salue au passage le très beau travail d'édition de @editionscourstoujours (@brisson.dominique ) car l'objet livre est de grande qualité jusque dans les moindres détails graphiques. 

Merveilleuse édition indépendante !


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Extraits :

 

"Je n'ai plus de corps, plus de sensations, seulement des mots, des sentiments, des souvenirs, des visions fuligineuses. C'est un arrachement. Jean-Baptiste, je veux te parler, te dire je t'aime, toujours, maintenant, jamais. Te montrer des images d'avant ma mort. Je lève les bras pour remettre une épingle à cheveux, j'épluche une pomme, je bois du lait chaud. Je choisis une jupe dans la garde-robe. Je creuse encore la terre avec toi. Nous bâtissons, nous plantons. Tu dis que je suis belle. Clairière, claire et rivière." (p. 18)


Lire les 20 premières pages du roman.

Commentaires

  1. Merci Sophie, je découvre vos impressions de "Rivière" à mon retour de Château-Thierry et de Saint-Omer, les deux villes où je présentais mon roman ce week-end. Toute ma gratitude pour la justesse et la beauté de votre compte-rendu. Je vous écrirai plus longuement bientôt.

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