Se faire ce cadeau

 



Au départ, c'est une question de prix d'essence, de pollution, de crise géopolitique. 
Une question de "je refuse de continuer à alimenter les fonctionnements de ce monde de fous qui court à sa perte".

L'élan était là, il s'est gonflé un peu plus au soleil d'un printemps qui s'est invité avec un bouquet de bourgeons. Le cardiologue avait juste dit "faites du sport, enfin je dis ça à tout le monde". L'occasion, la motivation, il ne manquait que ça.

Elle a réinvesti son vélo, vérifié les freins, même si elle ne comprend rien à ces câbles et ces vis. Les réglages sont fastidieux, elle peste face aux écrous qui sont tous de tailles et de formes différentes, puis elle regonfle les pneus parce que ça, elle sait bien faire. 

D'abord il y a cette satisfaction du vent qui fouette les joues, des muscles qui s'échauffent, du corps qui se meut, qui s'émeut d'être une mécanique qui actionne une autre mécanique. Dans cette vie à mille à l'heure, on reste si sédentaire quand on s’assoit dans un fauteuil, dans une voiture, dans un bureau. Retrouver le mouvement, résister au froid du petit matin, pédaler, même si c'est un peu dur. 

Elle croit que prendre son vélo est utilitaire, ça la déplace d'un point A à un point B. 
Elle croit que c'est écologique et économique, ça coûte et pollue moins.
Elle croit que c'est une façon pratique de faire du sport sans ajouter de créneau dans l'agenda.
 
Les matins se succèdent. 
 
Alors elle comprend que le vélo est bien plus que politique et physique. 
Le vélo est poétique.  
 
Quelle belle idée de se faire ce cadeau !

Elle se met à collectionner les aubes flamboyantes, les ballets de nuages. 
Elle rit de voir la cheminée de l'usine cracher de la barbe à papa.
Elle découvre tous les arbres qu'elle ignorait sur ce trajet pourtant connu par cœur. 
Et elle salue leurs fleurs.

Bien sûr, elle sait que la pluie reviendra, que le vent la freinera peut-être un jour d'humeur maussade. 
En prévention, elle prend des photos mentales de toutes ces beautés banales et se promet de s'en passer le film quand ses jambes voudront aller à reculons, quand le temps sera capricieux ou défavorable.

On ne fond pas sous la pluie.

Commentaires

  1. Superbe Sophie!
    Une belle balade poétique qui donne envie de reprendre le chemin du vélo de bon matin.
    Merci

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  2. Coucou Sophie. Je suis à mon bureau, il y a une belle lumière, je lis ton texte. La journée commence bien . Merci <3

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