Celle qui s'aime enfin, Dominique Lagrou-Sempere
Dominique Lagrou-Sempere est de ces personnes qui illuminent les lieux où elles passent. Je la connaissais journaliste, je l'ai découverte romancière avec ce livre, Celle qui s'aime enfin, paru chez Flammarion cette année.
Ce roman est une ode à l'amour des autres et à l'amour de soi.
C'est une plume poétique et douce qui nous emmène aux côtés de Toscane, musicienne en proie aux doutes. Cette jeune femme semble traverser sa vie en se faisant minuscule, comme éteinte après les douloureuses pertes qui l'ont affectée depuis son enfance.
"Alors écrire, c'est déjà ça. C'est déjà un bon début pour garder la tête hors de l'eau au moment où le corps commence à s'engourdir, puis se refroidit et ne répond plus, juste avant de sombrer. C'est sentir encore un léger filet d'air, même infime, entrer et se faufiler dans ses poumons. C'est rester vivante, encore un peu, un tout petit peu." (p. 14)
"C'est ça, douter. Toscane a toujours préféré s'effacer pour éviter la confrontation et offenser. Elle préfère mille fois souffrir que de faire souffrir. Elle pense que sa seule présence peut blesser. Elle réussit même à se persuader qu'elle est responsable de tout ce qui l'entoure, des peines, des tensions, des échecs. Elle s'oblige à tout porter alors que personne ne lui demande rien." (p. 37)
La musique, les mots et le regard bienveillant de quelques personnes déterminantes vont la guider sur son chemin de reconstruction. Toscane est un feu vif qui s'ignore, elle est son propre frein. Il faut parfois accepter sa part de lumière pour avancer, elle le découvrira.
"Moi aussi j'ai toujours pensé que l'existence consistait à chercher l'ordre des lettres qui composent le récit d'une vie. Trouve tes notes, mon amour, fais-les sonner et compose ta symphonie, celle qui donne un sens à ta vie. " (p. 92)
"Toscane est une fille de mars, celle qui éclôt à chaque printemps après l'hivernage forcé. Cette fois, le souffle vient de loin, du plus profond de ses entrailles. Frais, vif, pur. " (p. 116)
Dominique Lagrou-Sempere nous livre une histoire de résilience menée d'une plume délicate qui joue parfois à faire un pas de côté, en narratrice capable d'un recul presque journalistique.
J'ai particulièrement apprécié le soin apporté à la psychologie des
personnages. Ils vibrent avec authenticité et nuances au fil du récit ! Alors que la trame de l'histoire aurait pu mener vers des lieux communs maintes fois exploités dans les romans dits feel good par exemple, jamais ici l'autrice ne tombe dans les clichés ou les caricatures. Nous avons sous les yeux des portraits d'humains parfaitement imparfaits, aux nuances vraisemblables, touchant notre corde sensible.
La narration s'articule en grande partie autour de la langue des oiseaux, cette façon d'entendre le double sens des mots et de manier les anagrammes pour révéler des sens cachés. Apprendre à lire au cœur du secret des mots, quel bonheur ! J'ai trouvé ce parti pris très original, il a résonné très fort en moi puisque j'ai déjà lu des ouvrages sur le sujet.
En filigrane persiste cette idée : les lettres, les mots et les récits sont ce qui donne du sens à l'existence, il nous permettent de broder point à point notre destin. Le tout dernier paragraphe du roman rejoint cela et sonne avec justesse et beauté.
J'ai ressenti une connivence avec l'autrice quand j'ai trouvé entre les lignes des références au flux et au reflux de la vie, à la lumière et à ses ombres inévitables. J'ai aimé que ce livre soit teinté de quête de soi, d'exploration de nos profondeurs et de philosophie de vie, le tout mené, et c'est d'autant plus louable, avec une belle humilité.
Une lecture douce et lumineuse que je vous recommande !
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