Le Trésorier-payeur, de Yannick Haenel

En tant qu'autrice, j'aime ancrer mes histoires dans une géographie réelle, en tout cas partiellement ; j'apprécie l'idée que les lecteurs y retrouvent des éléments de leur quotidien ou de leurs séjours. 

Quand j'ai appris que le dernier roman de Yannick Haenel, publié chez Gallimard, avait pour décor Béthune, ma ville, ma curiosité était piquée ! 

En fouillant le sujet, j'ai appris que cet auteur avait déjà foulé le pavé béthunois à l'occasion d'une exposition au sein de l'ancienne Banque de France de Béthune devenue centre d'arts contemporains, en 2016. Bien que fréquentant ce lieu culturel, j'étais passée à côté de cette information. Il avait pris part à une exposition pour laquelle il avait, justement, imaginé ce personnage de trésorier-payeur en investissant une pièce des appartements de l'ancien directeur de la banque. 

Yannick Haenel était invité à Béthune par le Furet de Nord et le musée LaBanque le 31 mars dernier, ce fut pour moi l'occasion de m'intéresser à son travail et de lire son roman.


Le roman s'ouvre sur une partie qui ne semble pas être le roman mais une introduction au récit qui va suivre. Le narrateur porte la voix de Yannick Haenel et retrace sa participation à l'exposition autour de l’œuvre de Georges Bataille.

Cette première partie du livre est un peu déroutante mais captivante : elle raconte la genèse du roman, comment l'auteur, le narrateur (ou déjà un personnage peut-être...) a eu ce déclic, l'étincelle d'écriture, à partir d'une anecdote : l'employé de la Banque qui habitait la maison voisine aurait creusé un tunnel entre sa cave et la salle des coffres. Romanesque, n'est-ce pas ?

Très vite, j'ai apprécié que la frontière se gomme entre réalité et fiction ! Le narrateur lui-même pose la question de ce qu'est la vérité, des limites qui se brouillent. Le questionnement sur l'écriture est omniprésent et m'a, personnellement, complètement hameçonnée puisque ce sont des questions qui me traversent mille fois dans ma démarche d'écriture.


Ensuite, nous suivons les aventures de Georges Bataille, personnage de fiction : un homme a priori assez commun, passionné de philosophie, qui va devenir, et c'est surprenant au vu de la personnalité, employé de la Banque de France. 
Bataille nous entraîne dans les profondeurs de cette institution monétaire et l'on y comprend vite que l'argent est devenu la nouvelle religion de la fin du XXème siècle. Spectateur de cette folie, en marge du monde auquel il appartient, il interroge le sens de la vie. Des mots clés surgissent très vite : la dépense, la ruine, la charité.  Bataille change de cap et tente à son échelle de changer le système de l'intérieur : un banquier charitable, a-t-on déjà vu ça ?
 
L'histoire est teintée d'alchimie, de philosophie et d'érotisme, le tout porté par une plume assez incroyable ! Je l'ai lue en griffonnant sur toutes les pages tant j'ai trouvé de formules vives et percutantes à retenir.
 
Un bonheur de redécouvrir ma géographie du quotidien à travers les pas d'un banquier hors-norme prêt à marcher à contre-courant ! 
Un plaisir aussi de plonger dans un roman qui me donne le sentiment d'être tirée vers le haut, de faire bouger les lignes de mes perceptions. C'est tout l'intérêt, pour moi, de la littérature !

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