C'est quoi, la poésie ? Petite histoire d'intervention

 Cette question n'a aucune réponse, elle pourrait aussi en avoir mille ! 

La poésie a pris au cours des siècles et des lieux des formes différentes, opposées parfois, elle s'est imposé des règles autant qu'elle s'en est affranchie.

C'est quoi, alors, la poésie ?

Cette question, j'ai dû me la poser pourtant pour préparer mon intervention à l'INSPE (Institut National Supérieur du Professorat et de l'Education) d'Arras le 11 avril dernier. 

 


L'INSPE, je connaissais un peu, mais sous un autre nom. 

Quand j'étais étudiante sur ses bancs, ce lieu s'appelait alors l'IUFM. Pour des raisons qui seraient longues à expliquer, j'ai démissionné de l'Education Nationale en 2009 après avoir obtenu le concours de professeur des écoles et avoir suivi quelques mois de formation. Revenir en ces lieux était donc assez chargé en émotions pour moi.

Quand la directrice de la Maison de la Poésie des Hauts-de-France m'a proposé d'y intervenir sur le thème "Sensibilisation aux pratiques poétiques", j'ai pourtant dit oui sans aucune hésitation. Allez savoir pourquoi, à aucun moment je ne me suis posé la question de ma légitimité face à un public de futurs professeurs des écoles. En quelque sorte, je connais le chemin qu'ils sont en train d'emprunter, même si je m'en suis écartée.

La vie est pleine de clins d’œil : quand je suis arrivée sur place, l'enseignante qui m'a accueillie n'était autre que l'ancienne directrice du site, celle qui avait à l'époque reçu en main propre ma lettre de démission. La boucle était bouclée !

 


J'ai passé beaucoup de temps à préparer mon intervention, j'avais le sentiment d'avoir mille choses à dire.

J'avais trois heures devant moi pour parler poésie avec ces étudiantes et étudiants pleins d'espoir et d'idéaux. Des étudiants d'aujourd'hui qui deviendront tout bientôt des enseignants : il était question de leur remettre une sorte de flambeau qui leur servirait pour transmettre à leur tour un peu de feu créatif à leurs élèves !

Pour préparer l'intervention, j'ai pris un immense plaisir à faire des recherches d'histoire littéraire, à explorer les propositions poétiques contemporaines, à faire un panorama des éditeurs de poésie, à lire à voix haute des dizaines de poèmes issus de ma bibliothèque. 

J'aime débroussailler, synthétiser, essayer de transmettre un petit quelque chose du feu que ça me provoque à l'intérieur !

Comme beaucoup de gens, quand j'ai demandé à ces futurs profs de me citer des poètes, ils n'ont pensé qu'à des hommes, et des hommes morts. Alors nous avons cheminé pour déboulonner ces préjugés et jeter un œil à la poésie d'aujourd'hui.



La poésie est mille fois vivante et portée par tout un tas de voix dont beaucoup sont féminines. 

Quel bonheur de lire des textes de femmes contemporaines, de leur donner un peu de la lumière qui leur a souvent manqué par le passé.

Impossible de leur parler de poésie sans les faire pratiquer. On a dit : "La poésie est vivante" !

Ma poésie en kit fut une bonne entrée en matière, un bon moyen aussi de mesurer qui parvient à se laisser porter par les associations de mots et qui a tendance à rester dans le sur-contrôle, à tout rationaliser ! 

On en était arrivés là : la poésie, c'était donc s'autoriser à jouer avec les mots et les sons, lâcher prise, faire surgir de nouvelles images, oser l'improbable.



 

Calepin et crayon à la main, les futurs professeurs ont ensuite arpenté leur campus et ont mis en application les pistes que nous avions abordées. Ils ont appris à regarder, à être attentifs aux détails, à collecter de la matière d'écriture avec leurs 5 sens.

A leur tour ils sont ensuite devenus poètes, nous ont régalés de leurs textes et de leurs mots. 

La poésie est vivante et vivra avec eux, après eux.

J'ai pris beaucoup de plaisir à réaliser cette intervention, je me suis sentie à cette juste place de transmission sans obligation d'évaluation. Quand j'apporte mes petits bagages pour un atelier ou une rencontre, c'est comme si je distribuais des petits cailloux et des petites graines. Il n'y a aucune pression esthétique ou de performance, j'ouvre juste des portes que chacun est libre ensuite d'emprunter ou pas. 

J'ai compris à l'INSPE ce jour-là que j'avais fait le bon choix quatorze ans plus tôt, que je me sentais à ma juste place

Et j'ai repensé à un camarade de promotion rencontré lors de cette rentrée de 2009, qui lui aussi a quitté le navire après l'obtention du concours, quelques mois après moi. Dans cette formation où l'objectif était de prouver, au bout du compte, qu'on était capables de se plier au cadre du référentiel de compétences de l'enseignant, nous avons tous deux été incapables de nous retrouver et de nous épanouir dans ce cadre.

Ce camarade, cette année-là, était différent de la masse qui nous entourait, il ne cessait de ponctuer le quotidien de poésie.  

Quand j'étais sur les bancs de l'IUFM, quelqu'un avait finalement déjà jeté dans l'air des confettis de poésie qui me montraient le chemin et dont j'ai retrouvé le parfait souvenir en ce mois d'avril 2023. Tout fait incroyablement sens.

Merci les gens et merci la vie de m'avoir permis de vivre ça.  

Nos échecs, tentatives a priori vaines et autres erreurs d'itinéraires sont des bénédictions.

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